Maison Garnier, Paris. L’art de la décoration du bronze depuis 1832

La Maison Garnier perpétue un long savoir-faire français dans la décoration des bronzes d’art. Dans ses ateliers parisiens et tourangeaux, elle maîtrise l’ensemble des techniques de création, de fabrication, de restauration et de décoration du bronze, dans les domaines de la serrurerie d’art (Rémy Garnier), de la lustrerie et du mobilier (ME Dupont), pour satisfaire une clientèle française et internationale extrêmement exigeante. Non contente de préserver ses savoir-faire, la Maison Garnier s’est dotée de moyens de production lui permettant de répondre à des chantiers d’exception comme récemment les palaces parisiens, Le Ritz et Le Crillon.

Histoire de la dorure

À travers leurs découvertes, archéologues et historiens nous révèlent que les civilisations perses, égyptiennes, grecques et romaines ont sans doute maîtrisé des techniques proches de celles utilisées de nos jours. Pline l’ancien mentionne dans son œuvre « l’Histoire Naturelle (77), Livre XXXIII, traitant des métaux », les procédés de dorure et argenture par amalgamation avec le mercure pour décorer les armes et les objets en bronze.
À la fin du XIe siècle, dans son traité sur les arts « Schedula diversarium artium » dont le troisième tome traite des métaux, le moine Théophile1 décrit minutieusement la technique de la dorure au mercure. Elle est considérée comme la plus ancienne formule connue d’alchimie occidentale.
Avec la Renaissance renaît progressivement le goût pour la dorure.
André Charles Boulle, à la fois ébéniste, fondeur, ciseleur et doreur, est le premier à décorer ses meubles de bronze ciselé et doré sous le règne de Louis XIV.
D’autres grands sculpteurs bronziers ont marqué l’histoire de la décoration du bronze jusqu’au Premier Empire. On peut citer Jacques Caffieri (1678-1755), spécialiste du bronze d’ameublement, Pierre Gouthière (1732-1813), qui réalisa des grands chefs-d’œuvre des arts décoratifs sous Louis XVI et Pierre-Philippe Thomire (1751-1843) qui industrialisa le bronze et compta jusqu’à 700 employés dans ses ateliers.
En 1840, de façon quasi concomitante, les frères Henri et George Richards Elkington, en Angleterre, et le comte Henri de Ruolz-Montchal, en France, concluaient leurs travaux de recherche par une invention : la dorure et l’argenture par électrolyse.
Cette invention offrait alors une alternative à la dorure au mercure, technique de grande qualité mais qui présentait l’énorme inconvénient de mettre en danger la santé des travailleurs.
Dés 1842, Charles Christofle achète les droits du brevet Elkington pour la France.
À la fin du XIXe siècle, les grands maîtres de la décoration du bronze se nomment Alfred Roseleur2 en France et Langbein-Pfnahauser en Allemagne.

Bain d’électrolyse avec des pièces en train de sortir du bain.

Dorure et argenture du bronze, un art précis et délicat

S’il est préférable « d’avoir un nez » pour concevoir un parfum, il est essentiel « d’avoir un œil » en matière de dorure ou d’argenture du bronze tellement le champ des nuances est important et subtil. D’où l’intérêt pour la Maison Garnier de disposer de 3 ateliers de décoration, à Paris, Montreuil et Château-Renault exploitant des modes opératoires différents, offrant ainsi des possibilités innombrables de décor.

La préparation des bronzes d’art

Le secret de la réussite d’un décor sur bronze, qu’il soit neuf ou ancien, réside avant tout dans la réflexion à mener au regard de l’objectif à atteindre.
La première étape consiste en un nettoyage par ultrasons. La pièce à décorer est immergée dans une solution savonneuse qui, sous l’action d’une fluctuation d’ondes, décolle les graisses et autres poussières incrustées dans le métal. Après cela, si l’état de la pièce le nécessite, elle pourra être trempée quelques secondes dans un bain d’acide dilué pour éliminer d’anciens dépôts.
S’ensuit un cycle de rinçages, 3 au minimum, réalisé avec de l’eau déminéralisée (pH 6,5) provenant de stations à rejet zéro, le respect de l’environnement étant une préoccupation majeure de la Maison Garnier.
Après un trempage dans une eau de séchage à 50°C, les pièces sont essuyées à la sciure de bois avant de subir un étuvage à 60°C. Enfin, le doreur essuie la pièce au chiffon doux pour parfaire l’opération et contrôler la qualité de la préparation.

Le polissage

C’est sans doute l’opération la plus délicate dans le processus de dorure. En effet il faut veiller à ne pas altérer l’œuvre et le travail des ciseleurs. C’est la raison pour laquelle il existe deux procédés de polissage complémentaires :

  • Dans un premier temps, le brossage avec une roue de corde en Sisal graissée au suif ; ce procédé permet l’enlèvement de matière mais à contrario une telle action peut rogner les ciselures ;
  • Pour parachever le travail, le brossage doux à l’aide d’une gratte-bosse, une brosse métallique constituée de fils de laiton souple de 5/10 de mm de diamètre. Cette technique préserve les gravures et les ciselures.
    Pièce au polissage

Afin de préparer les nuances d’éclat qui mettront en valeur les reliefs de la pièce lors de la dorure, le polisseur réalise une dernière étape à l’aide d’une roue de coton doux tournant à 3 000 tours/minute, l’avivage.

Conservation des dorures anciennes ; ici sur une espagnolette en or 24 carats et nickel noir

La conservation des dorures anciennes

Il arrive parfois que l’opération de nettoyage révèle d’anciennes dorures de grande qualité que l’on nous demande de conserver. Commence alors un long travail d’épargne réalisé à l’aide d’un vernis spécifique appliqué au pinceau.
Cette technique d’épargne est également utilisée pour la réalisation des pièces bicolores de type or/palladium ou or/nickel noir. Le décor obtenu est de très haute qualité.

La dorure

Désormais interdite, la dorure par le procédé or-mercure au creuset, appelé amalgame, a longtemps représenté l’excellence de la décoration du bronze. Le dépôt de matière noble pénétrait toutes les microporosités du métal et offrait une dorure d’une grande résistance.
De nos jours, on utilise principalement la dorure par électrolyse. Dans un bain de sels, on plonge deux électrodes métalliques formant ainsi une pile. Sous l’effet d’un courant électrique, on provoque le déplacement de molécules métalliques d’une électrode vers l’autre, de l’anode vers la cathode.
Dans le cas de la dorure sur bronze, l’anode est en inox platine, la pièce en bronze constitue la cathode.
Dans ses ateliers de traitement aux métaux nobles, la Maison Garnier utilise différents modes opératoires afin d’obtenir des teintes Or allant du jaune pâle au jaune cuivré, beaucoup plus rouge. L’or utilisé dans les ateliers de la Maison Garnier est un or pur à 24 carats.
Chez Rémy Garnier, pour la serrurerie décorative, nous utilisons principalement la dorure au chlorure d’or.
Elle consiste à réaliser deux trempés dans un bain chargé en or, d’une dizaine de minutes chacun, entrecoupés d’un brossage à la gratte-bosse, puis d’une mise à la teinte d’environ deux fois 30 secondes. La réussite réside alors dans le savoir-faire du metteur au bain. Les facteurs qui vont influencer la qualité du traitement sont l’intensité du courant électrique, la concentration de la charge or et le temps d’immersion. Seul l’œil du metteur au bain lui permet de moduler ces facteurs pour obtenir le résultat voulu, afin de respecter le travail de ciselure, et d’atteindre la teinte souhaitée. Cette technique présente l’avantage d’être plus résistante pour des pièces destinées à être manipulées fréquemment.

Chez ME Dupont, très belle pièce ciselée et dorée

Chez ME Dupont, pour la lustrerie et le mobilier, nous pratiquons une méthode également utilisée dans le domaine de la joaillerie : la dorure au cyanure d’or, l’aurocyanure.
L’opération commence par un bain de 30 minutes dans l’électrolyte pour déposer l’or. L’opérateur sort la pièce 5 fois pour vérifier la qualité du dépôt. Après cela, la pièce est trempée dans une solution de nitrate de mercure ce qui a pour effet de couvrir l’or d’une couche d’un gris surprenant. Très rapidement, le doreur vient chauffer au rouge la pièce à l’aide d’un chalumeau. Sous l’action de la flamme, le mercure déposé se vaporise sous la hotte prévue à cet effet. La couche d’or est alors complètement mate, sans aucune brillance. L’étape suivante consiste à brunir la pièce, opération qui consiste à créer des brillances en écrouissant l’or sur la pièce.

Opération du brunissage.

Le brunissage

Le brunissage consiste à donner du contraste à un objet doré sous l’action d’un brunissoir. Sur bronze, il s’effectue à l’aide d’une pierre noire d’hématite contrairement au brunissage du bois qui utilise une pierre d’agate. Cette opération nécessite une grande expérience, de la finesse et du raffinement.

L’argenture

La première différence avec la dorure se situe au niveau de l’anode de l’électrolyte qui est en argent pur à 99,9%.
Une fois la pièce préparée et polie, nous réalisons une pré-argenture ou un flash d’or pour renforcer l’adhérence de la protection. Nous déposons ensuite une couche de nickel qui va agir comme une barrière protectrice entre le métal et la couche d’argent.
Le traitement à l’argent commence par le dépôt d’une charge à forte intensité électrique et sera suivie, en fin de cycle, par le dépôt d’une couche fine à faible tension pour la brillance. À la sortie du bain, qui peut parfois durer une heure, la pièce est stabilisée, séchée, étuvée puis avivée ou brossée pour une finition satinée.
La dernière étape de l’argenture consiste à protéger la pièce contre une oxydation prématurée. Nous utilisons des vernis, des cires mais aussi des huiles incolores ou pigmentées.
Comme chez les meilleurs joaillers de la place Vendôme, nous sommes en mesure de réaliser une finition en argent rhodié, un métal aussi rare que prestigieux.

La patine

Patine au chalumeau sur pièce mercurée

Il existe différentes méthodes pour patiner les objets en bronze doré ou argenté. Les patines à la flamme. L’atelier ME-Dupont à Montreuil perpétue ce savoir-faire traditionnel.

  • Les patines aux huiles. Au-delà de l’effet décoratif, elles apportent une protection supplémentaire, sans altérer le clinquant. On utilise des huiles de jade ou de lin.
  • Les patines par oxydation du métal. Cette technique permet de reproduire l’aspect de bronzes anciens. Les plus courantes sont réalisées avec des solutions à base d’hématite ou de tourmaline mais nos ateliers exploitent d’autres méthodes. Pour garantir une répétabilité de la finition, les patines sont portées à une température optimum contrôlée en permanence.
    Si la dorure et l’argenture restent les traitements les plus nobles, la Maison Garnier a développé depuis 15 ans un véritable savoir-faire dans la décoration du bronze par oxydation du métal noble. Cela correspond à une demande grandissante des décorateurs afin d’intégrer dans des décors contemporains des pièces d’art en bronze dans un style moins ostentatoire.
    Il faudrait bien plus que ces quelques lignes pour traiter de cet important et au combien intéressant sujet. Sans doute dans un prochain article.
  1. Gaborit-Chopin, « Théophile Le Moine (XIIe s.)  », Encyclopædia Universalis
  2. « Guide pratique du doreur, de l’argenteur et du galvanoplaste », Alfred Roseleur, 1873